Les facteurs de risque cardiovasculaires classiques ont des conséquences ou des fréquences différentes chez les femmes et certains autres facteurs de risque leur sont spécifiques. Les manifestations des maladies cardiovasculaires peuvent être différentes chez elles. Enfin, elles ne réagissent pas de la même manière aux traitements.
Les situations à risque observées lors de la grossesse
Dans 10 à 20% des cas, des complications vasculaires (notamment une hypertension artérielle) sont observées au cours de la deuxième partie de la grossesse, en raison d’un défaut initial de fabrication du placenta. La survenue de ces complications est associée à un risque de maladie cardiovasculaire plus élevé, à moyen et long-termes, en l’absence de suivi adapté. Ce risque est multiplié par un facteur allant de 1,8 à 4 par rapport aux femmes ayant eu des grossesses non compliquées.
Ainsi, l’hypertension de la grossesse est associée à un risque plus élevé de développement d’une hypertension chronique ainsi qu’à la survenue d’un accident cardiovasculaire plus tard dans la vie de la femme, en l’absence de prise en charge adaptée.
De même, la survenue d’un diabète de type 2 pendant la grossesse, une naissance prématurée avant la 37ième de grossesse, un retard de croissance du bébé in-utero, l’accouchement d’un bébé mort-né, sont d’autres complications de la grossesse qui augmentent le risque de survenue d’un accident cardio-vasculaire, d’un diabète ou d’une hypertension avérée.
La ménopause précoce
La ménopause précoce, survenant avant l’âge de 40 ans, augmente le risque cardiovasculaire en raison de la carence en oestrogènes favorisant la prise de poids, l’hypertension artérielle et le développement de la maladie athéromateuse.
Le syndrome des ovaires polykystiques
Le syndrome des ovaires polykystiques est une maladie endocrinienne de la femme jeune qui se caractérise par des troubles de l’ovulation, une hyperandrogénie (augmentation des hormones masculines), une infertilité et une insulino-résistance. Ce syndrome est associé à une augmentation du risque cardiovasculaire et métabolique (avec plus d’obésité).
Les maladies auto-immunes
Les femmes sont plus à risque de maladies auto-immunes et inflammatoires qui contribuent à l’augmentation du risque de maladie cardiovasculaire. C’est le cas pour le lupus érythémateux disséminé et la polyarthrite rhumatoïde, pathologies qui sont associées au développement accéléré d’une athérosclérose ainsi qu’à une dysfonction de la microcirculation coronaire (petites artérioles coronaires à l’intérieur du muscle cardiaque)
L’hypertension artérielle
Les facteurs de risque d’hypertension artérielle chez les femmes incluent l’obésité, la sédentarité, l’excès de consommation en sel, le diabète et une consommation d’alcool supérieure à un verre par jour. L’obésité est le facteur ayant le plus d’impact sur le risque d’hypertension.
Certains aspects sont spécifiques au sexe féminin.
Parmi les maladies qui peuvent provoquer une hypertension artérielle, la dysplasie fibromusculaire des artères rénales est observée dans 90% chez les femmes (maladie de la structure de l’artère qui peut prendre un aspect en collier de perles) .
La contraception oestro-progestative peut induire une augmentation de la pression artérielle en agissant sur les systèmes endocriniens qui régulent la pression artérielle.
Des données montrent que les femmes peuvent présenter des augmentations de la pression artérielle plus importantes que les hommes et qui vont persister. Ces troubles peuvent s’observer chez la femme jeune, dès la trentaine. Les maladies cardiovasculaires peuvent donc se manifester tôt chez les femmes, et non beaucoup plus tard que chez les hommes comme on le pense souvent.
Des études suggèrent que chez les femmes ménopausées, il existe un risque plus élevé d’avoir une pression artérielle trop élevée la nuit. Cette observation pourrait expliquer une incidence plus élevée d’événements cardiovasculaires attribués à cette pression artérielle nocturne trop élevée, comparativement à ce qui est observé chez les hommes.
Pour ce qui concerne les traitements, chez les femmes en âge de procréer, il est important de considérer en cas de grossesse le risque de malformations fœtales que peuvent induire certains médicaments antihypertenseurs (inhibiteurs de l’enzyme de conversion et antagonistes des récepteurs à l’angiotensine 2 notamment).
Enfin, des études suggèrent que s’il n’apparaît pas de différence de bénéfice des traitements antihypertenseurs entre les hommes et les femmes, ces dernières pourraient cependant présenter plus d’effets indésirables avec certaines familles d’antihypertenseurs.
Le diabète de type 2, dit diabète gras ou sucré
L’incidence du diabète de type 2 est différente au cours de la vie selon que l’on est un homme ou une femme : si l’on considère la population des gens jeunes, le diabète de type 2 est plus fréquent chez la femme, en revanche, dans la population d’âge mûr, le diabète de type 2 est plus fréquent chez l’homme. A un âge plus avancé, l’incidence est la même chez les hommes et chez les femmes.
Cette incidence plus élevée du diabète de type 2 chez la femme jeune est d’une importance majeure compte du fait que la mortalité cardiovasculaire est significativement augmentée lorsque le diabète apparaît avant l’âge de 40 ans. Par ailleurs, des études suggèrent que les femmes qui ont un diabète de type 2 ont un risque cardiovasculaire plus élevé que les hommes qui présentent le même diagnostic.
Des différences en termes d’effet des traitements ont été mises en évidence entre les hommes et les femmes. Enfin, plusieurs études montrent que le diabète de type 2 est sous-diagnostiqué et moins bien traité chez les femmes comparativement aux hommes, avec un contrôle moins bon de leur diabète, de leur pression artérielle et de leurs taux de lipides.
Le contrôle du cholestérol
Les femmes sont moins susceptibles de recevoir un traitement par statine justifié par une hypercholestérolémie comparativement aux hommes. Elles sont plus nombreuses à refuser de débuter un traitement. Lorsqu’un traitement a été débuté, elles sont moins nombreuses à le poursuivre.
Des études sur de larges populations de femmes ont confirmé le bénéfice du traitement par statine chez les femmes. En revanche, quelques études suggèrent que les femmes sont plus à risque d’effets secondaires de type musculaire, aussi une attention particulière doit être portée chez les elles sur les antécédents et les traitements concomitants pouvant augmenter ce risque d’effet indésirable musculaire.
En cas de souhait de grossesse, le traitement par statine doit être arrêté 1 à 2 mois avant. Si la grossesse survient alors que cette précaution n’a pas été prise, le traitement par statine doit être arrêté dès que possible et remplacé si nécessaire par un autre traitement qu’il est possible d’utiliser pendant la grossesse, tel que les chélateurs des acides biliaires.
Les traitements autres que les statines et qui sont utilisés pour réduire le mauvais cholestérol (LDL-cholestérol avec l’ézétimibe et certaines nouvelles biothérapies d’indication spécifiques comme les inhibiteurs de la PCSK9, enzyme impliquée dans le métabolisme des lipides dans le foie) ne montrent pas de différences d’efficacité entre les hommes et les femmes, même si pour certaines études, le nombre de femmes dans les essais est moindre que celui des hommes.
Le traitement par aspirine
En cas de maladie cardiovasculaire athéromateuse, c’est-à-dire dans un contexte de prévention secondaire, le traitement par aspirine a démontré son bénéfice. Pour ce qui est de la prévention primaire (prévenir la survenue d’une première pathologie cardiovasculaire), le bénéfice de l’aspirine est discuté et fait l’objet de controverses. Dans l’état actuel des connaissances, il apparaît que chez les femmes qui ne présentent pas de pathologie cardiovasculaire avérée, l’aspirine dans la grande majorité des cas n’apporte pas de bénéfice.
Prévention de l’accident vasculaire cérébral (AVC) en cas de fibrillation atriale
Plusieurs études ont montré qu’en cas de fibrillation atriale, qui consiste en une contraction irrégulière de l’oreillette exposant à un risque de formation de caillot, le risque d’accident vasculaire cérébral est plus important chez la femme que chez l’homme. La raison de ce risque plus important chez la femme n’est pas claire. A facteurs de risque équivalents et avec un même traitement par anticoagulant, qui peut être recommandé dans ce contexte, les femmes ont un risque d’accident vasculaire cérébral plus élevé de 20 à 30% que les hommes.
Comparativement aux hommes, l’accident vasculaire cérébral survenant chez les femmes qui ont une fibrillation atriale, est plus sévère et entraîne un handicap qui est plus souvent persistant.
Traitement hormonal de la ménopause
Le traitement hormonal de la ménopause ne prévient pas la maladie cardiovasculaire chez la femme et est contre indiqué chez la femme ayant déjà fait un accident cardio-vasculaire artériel ou veineux.
Une augmentation du risque d’accident thromboembolique veineux (phlébite et embolie pulmonaire) a été observée avec toutes les formes orales de traitement hormonal, mais pas avec la voie d’administration transdermique d’oestrogènes.
Ainsi, chez les femmes jeunes pour lesquelles un traitement est envisagé compte tenu de l’importance des symptômes climatériques, le risque thromboembolique veineux (mais aussi artériel) individuel et familial doit être soigneusement évalué.
Dépression et troubles psychosociaux chez les femmes
De nombreuses données ont établi un lien entre le stress émotionnel aigu et chronique, les troubles psychosociaux tels que la dépression et le risque de maladie cardiovasculaire. Le stress psychosocial tend à être un facteur de risque de maladies cardiovasculaires et métaboliques plus important chez les femmes que chez les hommes, pas seulement en raison d’une exposition généralement plus importante à ces facteurs mais aussi parce que les femmes sont sans doute plus vulnérables à ces facteurs.
La dépression, les souffrances pendant l‘enfance, les difficultés socio-économiques, et les syndromes post-traumatiques sont plus fréquents chez les femmes que les hommes. De plus, l’association délétère entre ces facteurs psycho-sociaux et le risque de maladies cardiovasculaires et métaboliques est plus forte chez les femmes que chez les hommes, tout particulièrement chez les femmes plus jeunes ou exposées tôt à ces facteurs.
La dépression affecte environ 7% de la population, et elle est 2 fois plus fréquente chez les femmes que chez les hommes. C’est un facteur de risque reconnu d’infarctus du myocarde et de décès cardiovasculaire.
Les femmes sont plus fréquemment confrontées à des souffrances sévères pendant l’enfance, telles que les maltraitances physiques, les agressions sexuelles et les négligences. Ces situations sont de plus en plus reconnues comme des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire. Il en est de même pour les syndromes post-traumatiques.
Au total, les femmes sont plus sensibles à l’effet délétère de certains facteurs de risque cardio-vasculaire comme l’hypertension, le diabète, le tabac ou le stress psychosocial. Elles sont aussi exposées, pour certaines, à des facteurs de risque spécifiques liés à leur vie hormonale (contraception avec estrogènes de synthèse, grossesse à risque, ménopause….). Il est indispensable de tenir compte de ces spécificités du risque cardio-vasculaire pour optimiser le dépistage, la prise en charge et le suivi, afin de préserver efficacement la santé cardiovasculaire de toutes les femmes quel que soit leur âge.
Cho L. et al. Summary of Updated Recommendations for Primary Prevention of Cardiovascular Disease in Women. JACC State-of-the-Art Review. ACC 2020, 7 5, 2 0 , : 2 6 0 2 – 1 8 https://doi.org/10.1016/j.jacc.2020.03.060
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